Dimanche soir, le Camp nou va accueillir l’un des classiques du championnat espagnol, à savoir le derby entre le FC Barcelone et son rival local, le RCD Espanyol.
Le derby barcelonais, comme le sont généralement les rencontres entre formations d’une même ville possède sa dose de rivalité. Mais cette dernière est probablement beaucoup plus exacerbée que pour un derby classique car elle oppose deux visions de l’Espagne et de la Catalogne.
Je vous présente le contexte de cette rencontre très spéciale.Un derby très ancien.
La rivalité entre les deux formations est très ancienne. Elle trouve même sa genèse dans la naissance du Real Club Deportivo Espanol. En effet, dernier fût fondé par des enseignants de l’université de Barcelone en 1900, choisissant ce nom notamment pour signifier le fait, qu’à la différence du FC Barcelone fondé par le Suisse Hans Gamper, leur club était fondé par des autochtones, d’où l’appellation initiale de « sociedad espanola de futbol » qui deviendra par la suite Clud Deportivo Espanol.
La première rencontre entre les deux formations a lieu peu de temps après la création de l’Espanyol, le 23 décembre 1900 et se solde par un score nul de 0 à 0.
Jusqu’à la création du premier championnat d’Espagne de football en 1929 dont les deux clubs font partie, les entités ont l’occasion de s’affronter dans le championnat local de Catalogne. Depuis elles le font dans les différentes compétitions nationales et en Coupe de Catalogne.
Les chiffres de plus d’un siècle de confrontation sont largement à l’avantage du FC Barcelone, puisque sur 191 rencontres à ce jour le club de Messi en a remporté 106 contre seulement 44 pour leur rival local.
Ainsi, des générations de sympathisants des deux clubs sont bercés depuis toujours par cette rivalité locale.
Deux visions différentes de l’Espagne et de la Catalogne.
Ce qui fait l’un des aspects particuliers de ce derby est que les deux clubs ont historiquement porté des visions politiques différentes.
Le FC Barcelone a été instrumentalisé comme porte drapeau par les mouvements autonomistes catalans, tandis que le RCD Espanyol a historiquement été soutenu par les partisans d’une Espagne unie.
Ces différences de vision, ont exacerbé cette rivalité locale entraînant une quasi incompréhension, ou à minima un grand mépris entre les partisans des deux clubs.
Ainsi les supporters de l’Espanyol ne nomment jamais par son nom FC Barcelone, mais préfèrent l’appeler « los otros », les autres. De même, comme cela sera le cas dimanche soir, ils ne font pas le déplacement dans le stade adverse pour voir jouer les leurs lors du derby afin de ne pas donner de l’argent à ces rivaux locaux.
Lors de l’installation de l’Espanyol dans son nouveau stade de Cornella el Prat dans l’immédiate périphérie de Barcelone, le Président du FC Barcelone déclara que le Barça était désormais le seul club Barcelone de première division, ce qui fût très mal vécu par ses homologues de l’Espanyol.
De façon générale, au delà de la dimension purement politique, les supporters de l’Espanyol se considèrent comme les défenseurs d’un certain pluralisme footbalistique en Catalogne contre l’hyper dominance du Barça. Soutenir l’Espanyol, c’est aller à contre-courant.
Une rivalité qui doit être relativisée.
Si cette rivalité existe encore aujourd’hui, elle doit être relativisée car elle s’est réellement atténuée.
D’abord parce que le FC Barcelone possède de nombreux partisans non pas parce qu’il est le porte étendard des mouvements autonomistes catalans, mais en raison de la qualité de son jeu et de ses victoires. Il possède de nombreux supporters qui n’ont que peu à faire de l’autonomie de la Catalogne et pour lesquels l’Espanyol est finalement un rival comme un autre, en tout cas, bien moins attendu que le Real Madrid.
Du côté de l’Espanyol, si une base forte de socios reste attachée au lien de la région catalane avec l’Espagne, les actionnaires majoritaires du club ont entrepris depuis 20 ans une catalanisation du club, avec un changement de nom (le Real Club Deportivo Espanol est devenu le RCD Espanyol de Barcelona), un usage quasi systématisé du catalan dans la communication du club, ou encore l’interdiction faite aux supporters de brandir un drapeau espagnol dans le stade, comme ils en avaient l’habitude.
Cette relativisation de la rivalité a été symbolisée au cours d’un événement à la fois tragique et heureux.
Alors que l’Espanyol était endeuillé par le décès accidentel de son capitaine emblématique Daniel Jarque en stage d’avant saison en 2008, c’est un joueur du FC Barcelone qui lui rendit hommage dans un moment historique du football espagnol, lors de la finale de Coupe du Monde 2010. Juste après avoir marqué le but de la victoire contre les Pays-Bas, il souleva son maillot et fit apparaître l’inscription écrite sur son maillot de corps « Dani Jarque siempre con nosotros » (Dani Jarque toujours avec nous).
Pour dimanche, avantage FC Barcelone.
Sur le plan sportif, le derby de dimanche paraît clairement déséquilibré.
En effet, le FC Barcelone caracole invaincu au sommet de la liga, tandis que l’Espanyol occupe une place de relégable à l’issue d’un début de saison difficile qui a provoqué une crise institutionnelle au sein du club et un changement d’entraîneur.
En 20 ans l’Espanyol n’a gagné d’une seule fois sur le terrain du Barça et ne semble pas armé pour créer la surprise.
Toutefois, les coéquipiers de Victor Sanchez et Sergio Garcia, deux anciens du FC Barcelone, sont allés chercher un méritoire match nul contre le Real Madrid lors de leur dernier déplacement. Ils ne seraient pas fâchés d’être la première équipe à faire tomber le FC Barcelone cette saison. Cela prouverait qu’un derby n’est jamais un match comme les autres.
>> Photo d’illustration prise lors de la finale de la Coupe de Catalogne 2011 par Gérard reyes. Merci à lui de partager ses belles photos.